Se perdre dans Figuig

Notre membre Clotilde Pratt nous propose ci-dessous un extrait de son carnet de voyage “Carnet du Maroc, De Ouarzazate à Figuig à pied“, relatant son périple de 800km à pied de l’Anti-Atlas au Sahara avec notre autre membre Pierre Fritsch, du 27 novembre 2021 au 7 janvier 2022.


Une après-midi…

A cette heure de la sieste où le soleil cogne fort…

Où la ville tout entière somnole, il flâne dans la rue principale, mon corps de marcheuse, il flâne dans la lumière dorée et le ciel bleu impeccable. Figuig, particulièrement calme et silencieuse m’invite chaleureusement à me perdre dans sa vieille ville. Elles ne résistent pas longtemps, mes jambes d’exploratrice.  En deux-deux, voilà que je m’échappe de sa grande rue à ciel ouvert, me glisse sous les arcades, plonge au hasard dans la première rue étroite, souterraine, qui s’offre à moi. Me voilà soudainement parachutée dans les coulisses traditionnelles d’un « qsar » (historiquement ancien quartier), une ville dans la ville, un monde dans le monde. Je déambule, et peu à peu m’enfonce dans cette atmosphère spéciale clair-obscur, j’avance dans la pénombre, je persiste… Au-dessus de moi, des toits en bois de palmier, ingénieusement conçus pour abriter ses habitants de la chaleur, je m’engouffre plus loin, passe d’une ruelle ombragée à une autre, serpente de virage en virage, me faufile délicieusement dans ce dédale hallucinant, me laisse porter sans trop savoir où il me mène… Tout à coup je bute sur une impasse, fais demi-tour, m’engage sur une nouvelle rue, tombe à nouveau nez-à-nez devant un cul-de-sac, rebrousse chemin, reprend un virage, face à moi une impressionnante porte ancienne avec ses motifs amazighs, bifurque sur une autre rue, la longe, devine à travers un trou de lumière d’une porte d’entrée la cour intérieure d’une maison, la vie mystérieuse de ses habitants, m’engage dans une nouvelle rue, aspirée par les tunnels sans fin de la vieille ville.

Figuig enivrante,

Me voilà définitivement, royalement bel et bien perdue dans la plus belle ville-oasis du Maroc,

Labyrinthe de fraîcheurs et de silences, comment vais-je en sortir ?

Tout à coup au loin, au coin d’un virage, dans un rayon de lumière surgit de nulle part une silhouette discrète à vélo, un figuigui qui pédale tranquillement dans un silence souverain. Instant de grâce.

Ce puits de lumière, là-bas, au loin, c’est lui que je dois suivre, lui il va m’extraire du labyrinthe…

J’avance, me rapproche, trois femmes voilées apparaissent alors dans ce même puits de lumière, décidément elles aussi, d’où arrivent-elles ? Je me décide, m’engage, plonge toute entière dans le faisceau, le traverse…

Mes pas débouchent aussitôt sur un grand ciel bleu.

Une grande place, une nouvelle ville dans la ville, le nouveau monde : Zenaga, avec sa mosquée, ses cafés, son ancien marabout, sa banque et ses palmiers.

Emerveillée, je flâne dans ce nouveau paysage surréaliste, baigne dans la lumière dorée, traverse la place, me faufile entre les passants,  poursuis ma quête, me perdre encore et toujours dans Figuig. Je m’engouffre alors dans une nouvelle rue obscure, mon œil happé par des cours intérieures insoupçonnées, inaccessibles. Absorbée par ce nouveau dédale ombragé, je pars à l’affût d’un nouveau puits de lumière, une sortie… tout à coup à nouveau le bleu du ciel, devant moi une tour de guet en ruine, plus loin dans le bleu du ciel se dresse un majestueux  minaret octogonal en pierres, je devine, le fameux de l’époque mérinide évoqué dans tous les routards. Plus loin encore à l’horizon la magnifique chaîne de montagnes, au-delà l’Algérie. Nouveau dédale de terre jaune ocre et verdoyant, bout de murs en ruines par-ci par-là, je m’y enfonce royalement. Lézardé, authentique, enivrant, me voilà aspirée par un nouveau labyrinthe, bien plus impressionnant, et féérique, la palmeraie géante, verdoyante de Figuig. Séduite, je m’enfonce dans ce merveilleux dédale de jardins et rivières, passe devant un grand bassin d’irrigation, me faufile entre les palmiers gigantesques, cueille des dattes, délice sucré caramélisé, tombe nez-à-nez devant un magnifique cheval, juste là, tout seul sous les palmiers, instant de grâce. Absorbée par tout ce bleu clair irréprochable, et tout ce vert lumineux et puissant, si surprenant en plein cœur du désert, je longe un nouveau mur en ruines, suis une rigole, m’y rafraîchis les pieds, serpente entre des canaux d’irrigation, des sources d’eaux souterraines, « artésiennes » dit-on (des eaux qui émergent de la terre sans l’intervention de l’homme), et soudain, plonge toute entière dans un bassin d’eau tiède, délice d’une source naturelle, délice de mon corps de marcheuse récompensé, délice d’une piscine secrète dont l’accès demeure quasi introuvable à moins de se perdre complètement dans Figuig et tomber dessus par hasard…

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